
NON, LES «VIEUX» NE SONT PAS UNE MENACE POUR LA DÉMOCRATIE
Dernièrement, un journal suisse-alémanique en ligne, plutôt classé dans le camp progressiste, a publié un article intitulé «Quand les retraités prennent le pouvoir». J’ai été profondément choqué par le ton alarmiste de ce texte et par la présentation unilatérale de l’engagement politique des personnes âgées − des «vieux» − dans notre pays. Présenter la forte participation électorale des plus de 65 ans comme un danger serait presque risible… si ce n’était pas aussi inquiétant sur le plan démocratique. Depuis quand l’exercice actif d’un droit fondamental est-il devenu suspect ?
Accuser implicitement les électrices et électeurs seniors d’être responsables d’une prétendue « gérontocratie » revient à nier leur légitimité citoyenne. Pire encore, c’est l’expression d’un âgisme insidieux − cette forme de discrimination fondée sur l’âge − de plus en plus présente dans certains médias, y compris ceux qui se disent progressistes.
Ce discours repose sur une idée fausse : celle que les « vieux » formeraient un bloc homogène, conservateur, soucieux uniquement de préserver leurs intérêts. Cela ne tient pas face à la réalité. Il y a toujours eu − et il y aura toujours − des jeunes réactionnaires et des vieux progressistes, tout comme l’inverse.
Quant aux initiatives politiques en faveur des retraités, comme la 13e rente AVS, les réduire à des calculs électoralistes est non seulement injuste, mais aussi méprisant. De nombreuses personnes âgées − notamment des femmes ayant eu des parcours professionnels discontinus − peinent à vivre dignement avec des pensions modestes. La pauvreté des vieux est une réalité, pas une exception, et elle ne saurait être effacée par des moyennes statistiques trompeuses.
Agiter le spectre d’un conflit entre générations, c’est jouer avec le feu. Cela alimente des divisions artificielles et masque une vérité essentielle : les vieux ne s’engagent pas uniquement pour eux-mêmes. Ils agissent aussi pour leurs enfants, leurs petits-enfants, pour une société plus équitable, plus durable, plus solidaire. La solidarité intergénérationnelle est une richesse à cultiver, pas un problème à éradiquer.
Nous devons sortir de cette logique de confrontation. Ce qu’il nous faut, c’est un débat démocratique serein, nuancé et respectueux − un débat qui reconnaît à chacun, jeune ou vieux, le droit de s’exprimer et de peser dans les choix collectifs. Oui, les retraités votent. Et heureusement ! Cela ne fait pas d’eux une menace, mais une force vive et indispensable de notre démocratie.
Ueli Leuenberger